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Olivier Guez, « Le Grand Tour »

Jun 14, 2022

Mosaïque européenne

Qu’est-ce que l’Europe ? La question hante le discours politique, littéraire et philosophique depuis des siècles, sans avoir vraiment trouvé de réponse. Peut-être faut-il en effet se demander, plutôt que ce qu’est l’Europe, ce qui la constitue, ou comment la construire. Pour Olivier Guez, le fondement de l’Europe est une culture commune, dont, malheureusement, on ne se sert pas aujourd’hui. Son ouvrage, Le Grand Tour, se propose ainsi d’incarner une Europe culturelle et littéraire en faisant appel à un écrivain de chacun des 27 pays membres. À chacun, il est demandé quel lieu, dans son propre pays, entre en résonance avec ce continent.
Car pour Olivier Guez, être européen, c’est avant tout s’approprier un espace. Les 27 auteurs invités racontent ainsi une histoire autour d’un lieu symbolique, mêlant la plupart du temps Histoire personnelle et européenne. L’ouvrage est organisé en 7 parties (« Cicatrices », « Errances », « Fantômes », « Chair », « Villégiatures », « Blessures » et « Nostalgie »), autant de variations sur la mémoire. Le lecteur parcourt en effet l’Europe à travers son passé, des anciennes prisons de la RDA au temple d’Apollon Épicouries à Bassae en Grèce, en passant par la junte militaire grecque, la dictature communiste et la séparation entre Est et Ouest, le génocide juif, le fascisme, les migrants, mais aussi à travers ses écrivains et artistes, James Joyce, ou les peintres de Skagen à la fin du XIXe siècle.
Le choix des auteurs, présentés par Olivier Guez comme parmi les meilleurs écrivains européens, répond sans doute à des choix personnels et à des contraintes éditoriales, et l’on peut regretter l’absence de telle ou telle plume – Claudio Magris pour L’Italie ou Robert Ménasse pour l’Autriche. Mais l’enjeu n’est pas là. Par la diversité des voix et des points de vue et malgré une organisation d’ensemble qui paraît parfois quelque peu artificielle, ce sont justement la diversité et la fragmentation qui font sens. Comme l’écrit le lituanien Tomes Venclova, ces fragments d’histoires font l’Europe par leurs disparités mêmes : « ce qui fait l’unité de l’Europe, c’est qu’elle est un alliage composite de principes culturels qui ne se ressemblent pas, des principes séparés existant dans des espaces différents, dans des temps différents, dans des langues différentes, mais qui ont un dénominateur commun. »
Le projet est passionnant, et l’ouvrage très riche : on y découvre avant tout des auteurs, mais aussi des lieux et des pans moins connus de notre Histoire. Espérons que ce « Grand Tour » qui rejoint d’autres initiatives comme, pour le théâtre, le Chantier d’Europe organisé chaque année par le Théâtre de la Ville, s’inscrira dans une dynamique durable.
A.K.
Olivier Guez, « Le Grand Tour », Éditions Grasset, 2022, 464 p.

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