LA PETITE REVUE
Critique littéraire et théâtrale
Jan 17, 2024
Espèce invasive à la fécondité incontrôlable, le lapin méritait bien une conférence. Après s’être notamment interrogé sur les canards en plastique lâchés par la NASA au-dessus du Groenland pour mesurer la vitesse du réchauffement climatique ou la progression du moustique-tigre en France (via l’autoroute), Frédéric Ferrer consacre un nouvel opus de son atlas de l’anthropocène à l’oryctolagus cuniculus, plus connu sous le nom de lapin de garenne.
L’ancien géographe se propose ainsi de répondre à trente questions, sérieuses ou loufoques, en un peu plus d’une heure. De l’apparition du lapin il y a six millions d’années à l’étude de sa vitesse (supérieure à celle du sprinter Usain Bolt), les informations fusent. On apprend ainsi que la suite de Fibonacci (dans laquelle chaque terme est la somme des deux précédents) modélise la croissance d’une population de lapins, que l’Australie décida d’ériger, au début du 20ème siècle, une barrière de 3000 kilomètres pour les contenir (raté : les conils passèrent dessous et les dingos, leurs prédateurs locaux, ne purent la franchir).
Aux côtés d’Hélène Schwartz, hilarante, Frédéric Ferrer s’emballe, multipliant digressions, illustrations décalées et conclusions absurdes. On rit beaucoup, mais que l’on ne s’y trompe pas : tout est rigoureusement exact. Reste la question centrale : doit-on endiguer la population de ce petit animal ? Le peut-on seulement ? Et si le lapin indiquait, bien malgré lui, la marche à suivre dans notre monde déréglé ? Un spectacle décalé, drôle et stimulant.
Y. A.
« Le problème lapin », théâtre du Rond-Point jusqu’au 27 janvier 2024, puis les 7 et 8 février 2024 à Vandœuvre-lès-Nancy, le 19 avril 2024 à Maubeuge et le 16 mai 2024 au Mans (durée : 1h20).
« À la recherche des canards perdus » et « De la morue » seront repris au théâtre de l’Atelier du 23 avril au 19 juin 2024.