LA PETITE REVUE
Critique littéraire et théâtrale
Feb 23, 2025
Une famille veille une jeune mère malade, alors que les signes d’une présence de plus en plus inquiétante se manifestent (« L’intruse »). Un groupe d’aveugles, perdu sans son guide – l’aumônier de leur hospice – est peu à peu saisi par la peur (« Les aveugles »). Les deux pièces de Maeterlinck forment un diptyque aux thèmes largement communs : l’impossibilité de voir (au sens propre comme au figuré) et de comprendre sa vie, l’enfermement dans une existence coupée du monde.
Ces huis-clos exigeants, où les silences disent plus que les mots et les non-dits constituent l’essentiel de la trame dramatique, nécessitent une rigueur de chaque instant : des deux pièces devrait émerger un malaise, une angoisse existentielle. Ce n’est, hélas, pas le cas ici.
Loin de « renforcer l’abstraction », comme s’en prévaut Tommy Milliot dans sa note d’intention, la scénographie (qui installe les protagonistes de « L’intruse » dans un salon bourgeois et encombre le plateau des « Aveugles » d’inutiles mannequins) aplatit le texte et lui ôte tout mystère, toute poésie. Mais surtout, la direction d’acteurs semble flottante, faisant osciller la soirée entre tension et vacuité. Seuls les comédiens d’une grande présence (Gilles David dans la première partie, Alexandre Pavloff dans la seconde) parviennent à distiller le mélange d’étrangeté et d’effroi nécessaire. Les autres interprètes ne sont pas en cause (on songe notamment à l’excellent Thierry Godard, dernière recrue de la troupe, qui n’a malheureusement ici pas grand-chose à défendre). Dirigés avec plus de précision et sur un rythme moins languissant, ils sauraient parfaitement offrir au spectacle la densité qui lui manque.
La soirée, malgré tout, permettra à un public curieux (et reposé) de découvrir deux pièces stimulantes, emblématiques d’un théâtre symboliste rarement monté.
Y. A.
« L’intruse » et « Les aveugles » au théâtre du Vieux-Colombier jusqu’au 2 mars 2025 (durée : 2h avec entracte)