1963. Andrée Dubuisson, interne à l’hôpital d’Essaouira, est demandée en mariage par Jean Lafourcade. Doit-elle lui révéler son passé ? Lui avouer qu’elle eut, adolescente pendant la guerre, une liaison avec un allemand – ce qui lui valut d’être tondue à la Libération ? Et surtout, qu’échappant de peu à la peine de mort, elle fut emprisonnée dix ans pour le meurtre de son amant, Félix Bailly ?

Le destin hors norme de Pauline Dubuisson (qui choisit le prénom de son père, André, dans l’espoir de se faire oublier après son procès) offre une matière théâtrale passionnante. Adapté du roman de Jean-Luc Seigle, le texte offre un portrait intimiste qui mêle habilement différentes époques (la guerre, la Libération, le procès, l’exil). Évitant pathos et manichéisme, le monologue pose des questions fortes (le procès fut-il mené à charge ? comment vivre après avoir été condamné ?) sans imposer de réponse.

La scénographie de Gilles Nicolas et Sylvie Van Cleven, d’une économie de moyens bienvenue, s’appuie sur une création lumière (Lucie Joliot) et sonore (Philippe Mion) de grande qualité. Seule au plateau, Sylvie Van Cleven donne à entendre avec beaucoup de maîtrise et de sobriété cette voix singulière, qui inspira Clouzot (« La vérité », qui évoque le procès de Pauline), et plus récemment Philippe Jaenada (« La petite femelle »). Un beau moment de théâtre.

Y.A.

« Je vous écris dans le noir », théâtre de la Reine Blanche jusqu’au 23 octobre. Durée : 1h.