LA PETITE REVUE
Critique littéraire et théâtrale
Sep 16, 2024
Sans la chute du mur de Berlin, Angela Merkel n’aurait sans doute jamais fait de politique. Enfant, elle voulait devenir patineuse, puis cosmonaute ; elle débutera finalement sa carrière comme physicienne à l'Académie des sciences de Berlin-Est. Les portes du pouvoir s’ouvrent avec la réunification allemande : Helmut Kohl, son mentor, la nomme ministre des droits des Femmes et de la Jeunesse – deux sujets qui ne l’intéressent pourtant pas beaucoup – puis ministre de l'Environnement. Devenue secrétaire générale puis présidente de la CDU après le scandale des « caisses noires » du parti, Angela Merkel est élue chancelière en 2005. Elle le restera 16 ans. Durant ses quatre mandats, celle que l’on présentait alors comme la « femme la plus puissante du monde » devra notamment gérer la crise des subprimes et de la dette grecque (2008), l’annexion de la Crimée par la Russie (2014) ou l’intégration des réfugiés en Allemagne.
Seule en scène, Anna Fournier incarne avec beaucoup d’humour cette femme « sans charisme » (selon ses propres termes), à qui son père répétait : « Quand on a le choix entre parler et se taire, il faut toujours se taire. », et dont la lenteur à trancher fut à l’origine du néologisme « zu merkeln » (« laisser pourrir une situation sans prendre de décision »).
Le spectacle privilégie la satire et le divertissement. On sourit du jugement – souvent sévère – de Merkel sur les dirigeants politiques de son époque. De Kohl (figure du père qu’elle finit par tuer) à Schröder, dont la simple évocation l’exaspère, en passant par Macron, qu’elle trouve « vieux » et Hollande, dépeint comme un parfait imbécile, aucun ne trouve grâce à ses yeux. On s’appesantit peu en revanche sur les volte-face de la chancelière (à propos du nucléaire ou de l’accueil des réfugiés) ou sur ses regrets, au moment de quitter le pouvoir. Seule sa gestion de la crise grecque – qui mettra le pays à genoux – écorne un peu le portrait de « Mutti ».
Cette plongée dans l’Histoire contemporaine, bien rythmée et souvent drôle, prouve une nouvelle fois que la vie des femmes ou hommes politiques peut constituer un matériau de théâtre très stimulant.
Y. A.
« Guten Tag, Madame Merkel », théâtre de la Pépinière jusqu’au 18 janvier 2025 (durée : 1h20). À partir du 6 décembre, le rôle d’Angela Merkel sera tenu par Candice Bouchet.