Enfants du baby-boom, Michel, ouvrier à Belfort, Marie-France, journaliste à Paris et Luc, enseignant à Vénissieux, ont plébiscité François Mitterrand en 1981. Pour chacun, la victoire du candidat socialiste fut « le plus beau jour de [sa] vie. » Quarante ans plus tard, ils ont voté respectivement pour Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Qu’est devenue cette « Génération Mitterrand », qui rêvait, au soir du 10 mai, de « changer la vie » ?

La pièce suit tour à tour chaque protagoniste durant quelques années des deux septennats. Michel revit l’ivresse de la victoire et les espoirs des premiers mois, rapidement brisés par le tournant de la rigueur (1983). Luc est témoin de la marche des beurs et de la création de SOS Racisme (1984). Marie-France, enfin, se remémore l’engagement européen de Mitterrand et son débat avec Philippe Seguin lors du référendum sur le traité de Maastricht (1992).

Mêler Histoire et récits intimes, comprendre la fracture du peuple de gauche, souligner la montée de l’extrême-droite et les renoncements des socialistes au pouvoir, évoquer les transfuges de classe… le projet est vaste – peut-être trop – et l’on peut regretter que certains enjeux dramatiques (comme le basculement politique de Michel) se perdent un peu en chemin. Si les personnages n’échappent pas toujours aux clichés, ils dessinent néanmoins le portrait doux-amer d’une génération désenchantée et d’une époque bouleversée.

Servis par un texte bien construit de Léo Cohen-Paperman et Émilien Diard-Detoeuf et une mise en scène sobre et efficace, les trois comédiens (Léonard Bourgeois-Tacquet, Mathieu Metral et Hélène Rencurel) sont très convaincants. Reprenant les derniers vœux du président affaibli (« Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. »), l’épilogue, crépusculaire, clôt avec force le spectacle.

Y. A.

« Génération Mitterrand » est, après l’excellent « Vie et mort de Jacques Chirac, roi des français », le second volet d’une série de huit spectacles que la compagnie des Animaux en Paradis consacrera aux présidents de la 5ème république. Prochain (anti ?) héros : Valéry Giscard d’Estaing.

Génération Mitterrand, Théâtre de Belleville, jusqu’au 30 septembre 2022 (durée : 1h15).