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« Élysée » au Théâtre du Petit Montparnasse

Jan 29, 2022

Palais de l’Élysée, 8 janvier 1996. Jacques Chirac enregistre une allocution pour annoncer la mort de son prédécesseur. Mal à l’aise, il interrompt son hommage et confie à son ami Philippe Dechartre, ancien ministre de de Gaulle et Pompidou : « Il va me manquer quand même. » Dechartre conclut : « Dans les deux jours qui ont suivi, Chirac est devenu injoignable. (…) Avec Mitterrand, Chirac perdait son meilleur ennemi. »

Remontant le temps, Hervé Bentégeat imagine quelques conversations entre les présidents, dont un savoureux dialogue, en août 1994, où Mitterrand incite Chirac à se présenter contre Édouard Balladur (alors en tête dans les sondages, mais que les deux hommes détestent) et l’entrevue d’entre-deux-tours en 1981, où Chirac accepte que Philippe Dechartre, à l’initiative de la rencontre, appelle les militants du RPR à voter pour le candidat socialiste. Des extraits sonores et audiovisuels accompagnent élégamment ces retours en arrière : attentat du RER B à Saint-Michel (1995), invasion du Koweït (1990), chute du mur de Berlin (1989), mort de Daniel Balavoine (1986), création des Restos du cœur (1985)… toute une époque – récente et lointaine à la fois – resurgit.

Émaillée d’extraits du « Bréviaire des politiciens » de Mazarin, la pièce, plaisante, évite assez habilement les écueils du genre : les citations sont discrètes, les situations plausibles. Christophe Barbier (Mitterrand) et Adrien Melin (Chirac) évoquent leurs personnages sans jamais chercher (heureusement !) à les imiter. À leurs côtés, Emmanuel Dechartre (qui interprète son propre père et fut, semble-t-il, témoin de certains des entretiens) est excellent. Incarnant avec bonhomie ce « gaulliste de gauche », il est un parfait trait d’union entre ces hommes que tout oppose en apparence. Quarante ans après les faits, on replonge avec plaisir dans ces manœuvres pourtant douteuses, que Mitterrand, aux portes du pouvoir, résume joliment : « La trahison en politique n’existe pas, puisqu’on n’a pas d’amis. »

Y. A.

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